Motivation et engagement de l'élève
Les grands principes de la motivation
De manière générale, la motivation représente l'ensemble des facteurs qui déterminent les actions et le comportement d'un individu dans la réalisation d'une activité ou la poursuite d'un objectif. Dans son ouvrage La motivation en contexte scolaire, Rolland Viau propose une définition adaptée au contexte scolaire et la définit comme "un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but" (1).
Cette définition permet d'emblée de pointer quelques éléments :
- la notion d'état dynamique traduit le fait que la motivation chez un élève n'est pas constante et dépend de multiples facteurs qui se recombinent en permanence en fonction de divers éléments propres à la tâche scolaire en elle-même (nature de l'activité, variété, possibilité de la réaliser seul ou en groupe...) mais aussi de l'apprenant lui-même (son état d'esprit au moment d'entrer dans la tâche en lien avec son vécu et son environnement, un souvenir positif lié à l'activité parce qu'une tâche de même nature aura été réussie précédemment...).
- le fait que la motivation génère une action sur le long terme : elle est essentielle pour que l'élève entre dans la tâche mais aussi pour qu'il maintienne son engagement dans la durée afin d'arriver à ce que vise l'enseignant à travers la création de tâches scolaires : l'accomplissement d'un objectif pédagogique.
La motivation relève des processus cognitifs car elle a pour objet de susciter l'envie d'apprendre dans le cadre d'une activité scolaire le plus souvent imposée et de permettre la captation de l'attention de l'élève, de l'intéresser pour qu'il entre dans l'activité. Elle permet ensuite de lui faire adopter des comportements qui vont l'amener à s'engager activement dans la tâche et à persévérer tout au long de son accomplissement.
La théorie de l'autodétermination
Exposée par E. Deci et R. Ryan en 1985 et précisée dans plusieurs ouvrages depuis (2), la théorie de l'autodétermination essaie de décrire précisément les ressorts et les leviers de la motivation qui poussent une personne à s'engager dans une activité. Elle postule que tout individu cherche de manière innée et en permanence à se développer psychologiquement afin d'augmenter son potentiel, d'être capable de réaliser de nouveaux défis et de s'ouvrir de nouvelles perspectives. Ces comportements des individus sont conditionnés par la satisfaction de trois types de besoins psychologiques fondamentaux :
- le besoin de compétence qui traduit ce que l'on ressent lorsqu'on agit efficacement avec son environnement en contrôlant les éléments qui amènent à la réussite de la tâche et en mobilisant pleinement ses capacités ;
- le besoin d'autonomie qui fait référence au fait de se sentir comme étant à l'origine de son propre comportement et de ses actions sans que s'exerce une contraire extérieure ou interne ;
- le besoin d'affiliation (d'appartenance sociale), lié au sentiment d'unité, au fait de se sentir connecté aux autres, d'être attentif à autrui et en sens inverse de se sentir l'objet de son attention mais aussi de se sentir appartenir à un collectif.
Selon cette théorie, afin de favoriser la motivation et l'engagement de l'élève et de l'inciter à persévérer, il convient donc de créer et de mettre en place des situations de travail qui favorisent l'autonomie et soutiennent les sentiments de compétence et d'appartenance sociale pour susciter chez l'élève une motivation autodéterminée l'amenant à s'engager dans les activités scolaires de manière spontanée et par choix.
Ces auteurs distinguent trois grandes formes de motivation qu'ils différencient par leur degré d'autodétermination, c'est à dire le degré avec lequel une activité est effectuée en l'ayant librement consentie et avec un sentiment de cohérence interne, d'accord avec soi-même :
- la motivation extrinsèque,
- la motivation intrinsèque,
- l'amotivation.
La motivation est intrinsèque quand l'individu s'engage de manière volontaire et spontanée dans une activité, sans attendre aucune récompense, pour le seul intérêt qu'il y trouve, le plaisir et la satisfaction qu'elle lui procure. Elle est donc totalement autodéterminée et considérée comme la forme de motivation la plus aboutie. En revanche, elle est compromise en contexte scolaire lorsque l'élève a le sentiment d'être contrôlé par un élément extérieur (l'enseignant, ses parents, un sentiment de ne pas avoir d'autres choix que de faire...) ou d'être inefficace. Un élève qui s'engage dans l'écriture d'un texte parce qu'il aime écrire et a envie de raconter une histoire fait ainsi preuve de motivation intrinsèque.
Cette motivation intrinsèque se rapproche du concept de "flow" que l'on retrouve par exemple dans les jeux. Il s'agit d'une expérience immersive optimale dans l'activité qui est dite autotélique car elle n'a d'autre finalité que sa réalisation elle même. En la menant,l'élève s'engage pleinement dedans et se laisse emporter sans même s'en rendre compte et son accomplissement ne lui coûte pas le moindre effort.
La motivation extrinsèque provient d'une pression extérieure ou interne qui pousse à la réalisation de la tâche : celle de l'enseignant, des parents, avoir une bonne note, une récompense, le besoin de reconnaissance, la peur de la punition, le sentiment de culpabilité... Dans ce cas, l'élève réalise l'action parce qu'elle est imposée ou qu'il en a le sentiment et se l'impose à lui-même). Il le fait dans l'intention d'obtenir une conséquence qui n'est pas lié à l'action elle-même.
Enfin, l'amotivation correspond à l'absence totale de motivation pour diverses raisons (souvent un sentiment de perte de contrôle, le fait de penser que la réalisation de l'activité ne changera rien à un état de fait ressenti...) ou l'engagement dans une tâche sans savoir pourquoi et sans comprendre quoi retirer de cette activité. Dans ce dernier cas, l'élève ne perçoit aucun lien entre ses actions et les résultats qu'il obtient et cela l'amène à se désintéresser et se retirer de l'activité.
La théorie de Deci et Ryan n'oppose pas motivation intrinsèque et extrinsèque. Elle en propose un continuum sous forme de classification hiérarchisée en fonction du degré d'autodétermination qu'elles supposent :
Cette théorie de l'autodétermination est à la base de nombreuses recherches contemporaines sur le sujet de la motivation autonome ou contrainte et de l'engagement des élèves. Essentiels pour les enseignants, les concepts développés permettent, par exemple, de distinguer finement les motivations des élèves et de ne pas considérer de la même manière la motivation d'un élève qui se rend à l'école uniquement parce qu'il y est contraint par ses parents et celle d'un élève qui y va parce qu'il est conscient que c'est important pour son avenir (et qui s'impose donc une contrainte interne). Enfin, ces recherches ont montré que les formes de motivations les plus autodéterminées avaient les conséquences cognitives et comportementales les plus positives sur les apprenants en termes d'engagement dans la tâche et de performance. Les prendre en compte peut donc permettre d'adapter ses approches pédagogiques en fonction des profils motivationnels des élèves pour favoriser leurs apprentissages.
Motivation et engagement de l'élève
Un article de G. Escriva-Boulley, D. Tessier et P. Sarrazin (3) propose d'analyser la motivation de l'élève sous le triple regard de l'engagement, de la théorie de l'autodétermination et des styles motivationnels des enseignants. Les auteurs s'appuient dans un premier temps sur le modèle de l'engagement de J. Reeve pour clarifier la notion d'engagement durant une activité pédagogique selon quatre modalités reproduites dans ce tableau :
Ils proposent ensuite une synthèse des études menées dans le cadre de l'EPS qui montrent les effets positifs de la motivation autonome dans l'engagement des élèves (intensité, durée, efforts consentis, concentration) et les effets délétères de la motivation contrainte (ennui).
Ils soulignent également l'importance du climat motivationnel mis en place par l'enseignant qui doit soutenir les trois besoins fondamentaux de compétence, d'autonomie et de proximité sociale. C'est en effet de leur satisfaction que dépend la génération d'une motivation autonome chez l'élève. Cet aspect amène à la nécessaire prise en compte des facteurs qui conditionne la satisfaction de ces besoins (ou au contraire leur frustration) et conduit les auteurs à proposer un tableau des styles motivationnels des enseignants définis comme "le sentiment et comportement interpersonnel qu'un enseignant utilise pour motiver ses élèves à s'engager dans les apprentissages" (3 ; p. 68).
Ce tableau est une ressource précieuse pour tout enseignant qui désire adapter ses comportements dan l'objectif de satisfaire ces trois besoins pour soutenir l'engagement et la motivation des élèves tout en ayant conscience des éléments qui risquent de l'entraver.
Les éléments de ce tableau sont présentés de manière schématique en identifiant six composantes et leurs manifestations sous cette forme par D. Tessier dans le cadre du DU Promobe de l'UGA :
Enfin, après une analyse disciplinaire en EPS, les auteurs proposent un schéma qui fait la synthèse de toutes les notions précédentes en termes de gestes et de perspectives professionnelles pour l'enseignant.
L'équation de la motivation selon Rolland Viau et Roch Chouinard
Sources, facteurs et manifestations de la dynamique motivationnelle d'après Rolland Viau :
Pour aller plus loin :
- Viau, R, Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves. http://elbassair.net/downloads/tarbawaiyate/G10/05.pdf
- Roberge, J ; Ménard L ; Croteau, S, 11 moyens de motiver. https://aqpc.qc.ca/sites/default/files/revue/robergemenardcroteau-vol_29-1.pdf . Articles d'après les propositions de Rolland Viau.
- Sénécal I, La motivation en milieu scolaire. http://innovation.sainteanne.ca/wp-content/uploads/2018/02/SA_MotivationIS.pdf
- Sarrazin, P & Pelletier, L & Deci, & Ryan, R. (2011). Nourrir une motivation autonome et des conséquences positives dans différents milieux de vie : les apports de la théorie de l’autodétermination. https://www.researchgate.net/publication/256089059_Nourrir une motivation autonome et des consequences positives dans differents milieux de vie les apports de lat heorie de l'autodetermination
- Karsenti, T : 32 stratégies pour agir sur la motivation scolaires des jeunes : http://www.karsenti.ca/32aqisep.pdf
- Motivation et compétences psychosociales
Références :
(1) - Viau, R. , La motivation en contexte scolaire, 2e édition, De Boeck, 2015.
(2) - Deci, E. L. et Ryan, R. M. (2000). Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being. American Psychologist, 55(1), 68-78. https://selfdeterminationtheory.org/SDT/documents/2000_RyanDeci_SDT.pdf
(3) Escriva-Boulley, G. & Tessier, D. & Sarrazin, P, L'engagement de l'élève en EPS, la motivation autodéterminée : https://cardie.web.ac-grenoble.fr/sites/default/files/media-fichiers/2018-09/Escriva-boulley_Tessier_%26_Sarrazin-2018-Engagement%20et%20motivation.pdf
Source du schéma "Taxonomie et caractéristiques principales des différents types de motivation selon la théorie de l'autodétermination" : https://www.researchgate.net/figure/Taxonomie-et-caracteristiques-principales-des-differents-types-de-motivation-selon-la_fig2_256089059
Source des illustrations de l'équation de la motivation : Sénécal I, La motivation en milieu scolaire : http://innovation.sainteanne.ca/wp-content/uploads/2018/02/SA_MotivationIS.pdf